Le sommet de l'ONU échoue à surmonter l'impasse chypriote
Le sommet de l'ONU échoue à surmonter l'impasse chypriote
Op-Ed / Europe & Central Asia 3 minutes

Le sommet de l'ONU échoue à surmonter l'impasse chypriote

La dernière réunion entre les dirigeants chypriotes grecs et turcs et le secrétaire général des Nations unies du 22 au 24 janvier a échoué, menaçant le futur de l'île et de la Turquie comme candidat à l'Union européenne (UE). C'était la cinquième fois depuis novembre 2010 que les dirigeants se rencontraient. Mais dès le début de la discussion à la Greentree Foundation à New York, les deux camps ont reconnu, au grand dam des Nations unies, qu'aucun progrès tangible n'a été accompli depuis le sommet d'octobre dernier. Aucun des sept points de négociation n'a été résolu.

Après cet échec, il n'existe aucune chance d'établir une fédération bizonale et bicommunautaire avant que la République de Chypre ne prenne la présidence tournante de l'Union européenne en juillet prochain.  L'obstacle principal à tout progrès depuis des décennies perdure : un manque total de contact, de communication et de confiance entre les chypriotes grecs et la Turquie. Le désintérêt de la Turquie est nourri, à son tour, par la manière dont certains Etats de l'UE, et particulièrement la France, qui bloque cinq chapitres de négociations, ont sapé le processus d'adhésion à l'UE à tel point que les dirigeants d'Ankara perdent toute motivation pour s'engager à résoudre le problème chypriote.

L'impasse actuelle n'est pas faute de l'ONU, qui s'efforce depuis 2008 de faciliter le dialogue entre Chypriotes turcs et grecs, qui cohabitent sur une île divisée politiquement depuis 1963 et militairement depuis 1974. A l'issue du sommet d'octobre dernier, l'ONU espérait que les dirigeants parviendraient à un accord sur tous les aspects internes des négociations avant une nouvelle rencontre en janvier. Une conférence internationale aurait ensuite pu être organisée rapidement afin de régler les questions restantes, suivie d'un référendum tenu simultanément de chaque côté de l'île pour approuver un plan de résolution du conflit. Mais si la mission des bons offices des Nations unies a redoublé d'efforts depuis la mi-2011, elle n'a qu'un pouvoir de pression limité au sein d'un processus qui appartient essentiellement aux Chypriotes.

Greentree aurait dû permettre un accord sur trois points d'achoppement principaux : le partage du pouvoir exécutif (notamment les modalités d'élection et de rotation de la présidence) ; la propriété (le partage d'informations par les Chypriotes turcs) ; et la citoyenneté (la présence de colons turcs au nord de l'île). Dans son discours du 25 janvier, Ban Ki-Moon évoquait des discussions actives mais  « sans véritable résultat ». En l'absence de progrès tangibles, il s'est montré prêt à réduire ses efforts au sein de la mission  des bons offices. Alexander Downer, son conseiller spécial sur le terrain, a souligné début janvier l'importance capitale du sommet de Greentree, rappelant qu'aucune autre rencontre tripartite n'était prévue prochainement.

Le secrétaire général lui-même a envoyé une lettre aux deux porte-parole, exprimant son inquiétude face à l'échec annoncé et à la difficulté de poursuivre le dialogue une fois que Chypre aura assumé la présidence tournante de l'UE. Il estime que les négociations touchent à leur fin ; donc les Chypriotes turcs doivent partager avec leurs voisins grecs les informations sur la propriété au nord de l'île, et ces derniers doivent s'investir dans une conférence multilatérale.

Dans sa déclaration du 25 janvier, Ban Ki-Moon a retiré la condition qu'il avait posée de régler les problèmes internes (gouvernance, propriété, économie et citoyenneté) avant de tenir une conférence internationale. Il a affirmé qu'après une évaluation de la situation en mars, et s'il constate de réels progrès dans les négociations (sans préciser ses critères d'évaluation), il organisera une conférence fin avril ou début mai. La participation des deux camps chypriotes ainsi que de la Turquie, de la Grèce et du Royaume-Uni – comme garants extérieurs selon le Traité de garantie de 1960 – à une conférence multilatérale permettrait des discussions concrètes sur le partage territorial (avec des cartes et des statistiques précises).

Tout n'est pas perdu à Greentree : les Chypriotes turcs affirment avoir initialisé le processus d'échange des informations sur la propriété, et un rendez-vous entre les dirigeants des deux communautés sera mis en place très prochainement. Mais si les discussions sur la réunification ont effectivement lieu, elles sont dépourvues de toute substance. Les élections présidentielles chypriotes grecques de 2013 pourraient constituer un tournant, si le successeur du président Christofias adopte une position favorable à l'idée d'une fédération plus souple avec les Chypriotes turcs. En l'absence de débat sur un éventuel modèle, les positions des deux camps sur l'avenir d'une république unie ne risquent cependant pas de converger.

Toutefois, l'échec des négociations depuis 2008 est essentiellement dû à l'incapacité des Chypriotes grecs et de la Turquie d'établir un dialogue. La méfiance règne et chacun refuse de croire que l'autre désire véritablement la paix ou est capable de respecter un accord. Pour que 2013 permette une avancée décisive, tous les acteurs doivent impérativement résoudre ce problème clé. L'impasse dans les négociations d'adhésion de la Turquie à l'UE explique également ce manque de communication, dont toutes les parties sont responsables : les Chypriotes grecs à travers leurs manœuvres dilatoires, certains Etats européens qui souhaitent décourager la Turquie, et cette dernière à travers son refus d'ouvrir ses ports et aéroports au trafic chypriote grec et sa lenteur dans la mise en œuvre des réformes exigées par Bruxelles.
 

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